CULTURE

PHILOSOPHIE: Sujets et Exposés entièrement traités

EXPOSE : quel regard la philosophie jette-t-elle sur la connaissance sccientifique?

Quel regard la philosophie jette-t-elle sur la connaissance scientifique ?

SUJET :

INTRODUCTION

La science et la philosophie furent longtemps inséparables. Dans l’Antiquité, la philosophie représentait la science suprême, celle « des premiers principes et des premières causes ». Les autres sciences, et notamment la physique, recevaient d’elle leurs fondements. Cette alliance s’est trouvée brisée au XVIIe siècle, avec l’apparition de la méthode expérimentale et le développement des sciences positives. Depuis cette époque, la science et la philosophie n’ont cessé de s’éloigner l’une de l’autre.                        Il est aujourd’hui nécessaire de savoir le point de vue de la philosophie vis-à-vis de la connaissance scientifique. En d’autres termes la philosophie et la science sont-elles différentes ? Cependant, quel intérêt pouvons-nous tirer de ces deux disciplines ?

I/ La philosophie et la connaissance scientifique

A/ Qu’est-ce que la philosophie

Le mot philosophie désigne une activité intellectuelle et une discipline se présentant comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l’existence humaine, ou encore comme un savoir systématique. L’histoire de la philosophie est extrêmement vaste, on trouve des attestations d’activités philosophiques dès l’Antiquité, notamment en Grèce. Le domaine d’investigation de la philosophie est tout aussi considérable, n’importe quel phénomène pouvant être traité en tant que sujet d’étude philosophique.

Différents buts peuvent lui être attribués, de la recherche de la vérité, et de la méditation sur le bien et le beau, à celle du sens de la vie, et du bonheur, mais elle consiste plus largement dans l’exercice systématique de la pensée, de la réflexion et comme un moyen de se défaire des illusions pour atteindre une plus grande liberté. Ancrée dès ses origines dans le dialogue et le débat d’idées, la philosophie peut également se concevoir comme une activité d’analyse, de définition, de création ou de méditation sur des concepts.

À la différence des sciences naturelles, des sciences formelles et des sciences humaines, auxquelles elle est intimement liée par son histoire, la philosophie ne se   donne pas un objet d’étude particulier et unique. On trouve toutefois au sein de la   philosophie des domaines d’étude distincts, tels la logique, l’éthique, la                                                                                                                      métaphysique, la philosophie politique et la théorie de la connaissance.

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Au cours de l’histoire, d’autres disciplines se sont jointes à ces branches fondamentales de la philosophie, comme l’esthétique, la philosophie du droit, la philosophie des sciences (appelée aussi épistémologie), la philosophie de l’esprit, l’anthropologie philosophique, ou la philosophie du langage.

B/ Qu’est-ce la science ?

La science (latin scientia, « connaissance ») est « ce que l’on sait pour l’avoir appris, ce que l’on tient pour vrai au sens large, l’ensemble de connaissances, d’études d’une valeur universelle, caractérisées par un objet (domaine) et une méthode déterminés, et fondés sur des relations objectives vérifiables.La volonté de la communauté scientifique, garante des sciences, est de produire des « connaissances scientifiques » à partir de méthodes d’investigation rigoureuses, vérifiables et reproductibles. Quant aux « méthodes scientifiques » et aux « valeurs scientifiques », elles sont à la fois le produit et l’outil de production de ces connaissances et se caractérisent par leur but, qui consiste à permettre de comprendre et d’expliquer le monde et ses phénomènes de la manière la plus élémentaire possible c’est-à-dire de produire des connaissances se rapprochant le plus possible des faits observables. À la différence des dogmes, qui prétendent également dire le vrai, la science est ouverte à la critique et les connaissances scientifiques, ainsi que les méthodes, sont toujours ouvertes à la révision. De plus, les sciences ont pour but de comprendre les phénomènes, et d’en tirer des prévisions justes et des applications fonctionnelles ; leurs résultats sont sans cesse confrontés à la réalité. Ces connaissances sont à la base de nombreux développements techniques ayant de forts impacts sur la société.

La science est historiquement liée à la philosophieDominique Lecourt écrit ainsi qu’il existe« un lien constitutif [unissant] aux sciences ce mode particulier de penser qu’est la philosophie. C’est bien en effet parce que quelques penseurs en Ionie dès le viie siècle av. J.-C. eurent l’idée que l’on pouvait expliquer les phénomènes naturels par des causes naturelles qu’ont été produites les premières connaissances scientifiques ». Dominique Lecourt explique ainsi que les premiers philosophes ont été amenés à faire de la science (sans que les deux ne soient confondues).

La science se compose d’un ensemble de disciplines particulières dont chacune porte sur un domaine particulier du savoir scientifique. Il s’agit par exemple des mathématiques, de la chimie, de la physique, de la biologie, de la mécanique, de l’optique, de la pharmacie, de l’astronomie, de l’archéologie, de l’économie, de la sociologie, etc. Cette catégorisation n’est ni fixe, ni unique, et les disciplines scientifiques peuvent elles-mêmes être découpées en sous-disciplines, également de manière plus ou moins conventionnelle. Chacune de ces disciplines constitue une science particulière.

II/ La philosophie et la science aux services de l’humanité

A / L’apport de la philosophie à la connaissance de l’homme

1/ Les différents courants de la philosophie du xixe siècle                                                                     

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La philosophie du xixe siècle se divise en des directions si différentes qu’elles ne se laissent pas ramener à un seul et unique concept. Elle comprend la philosophie romantique, l’Idéalisme allemand, le positivisme, la pensée socialiste et matérialiste de MarxFeuerbach ou Proudhon, le pragmatisme ainsi que nombre de penseurs difficiles à classer tels SchopenhauerNietzsche et Kierkegaard ou encore plus tard Chestov.

Une partie de la philosophie et surtout de la philosophie allemande se comprend comme un dialogue critique mais aussi constructif avec la pensée kantienne : ce fut le cas de l’Idéalisme allemand, de Schopenhauer et de Nietzsche. Le but avoué étant de reprendre ce qui semblait le plus intéressant dans la philosophie de Kant et de la débarrasser de ce qui semblait être des restes d’une métaphysique dépassée.

Les courants philosophiques marqués par l’empirisme ont pris une autre direction comme le positivisme de Comte qui voulait dépasser la pensée métaphysique uniquement au moyen des sciences empiriques c’est-à-dire sans recourir aux explications métaphysiques. En Angleterre Bentham et Mill développèrent l’utilitarisme qui soumettait l’économie et l’éthique à un rigoureux principe de comparaison des avantages et des inconvénients et qui avec l’idée d’un bien-être pour tous (le principe du « plus grand bonheur au plus grand nombre ») joua un rôle fondamental.

L’économie et la philosophie politique furent marquées par MarxEngels ou Proudhon ou encore Hume et Adam Smith. Les deux premiers voulaient modifier profondément les conditions de vie des ouvriers par un bouleversement des structures économiques et politiques de leur époque que les philosophes avaient pour tâche de conceptualiser.

Il est par contre difficile de classer toute une série de philosophes tels SchopenhauerKierkegaard et Nietzsche. Schopenhauer mettait en avant la puissance et la domination de la volonté sur la raison en s’inspirant des Upanishads, principes philosophiques constituant pour une partie la pensée indienne des Veda, alors en vogue dans certaines universités européennes. Sa vision du monde pessimiste, profondément marquée par l’expérience de la souffrance, témoigne d’une influence védique et de l’idée bouddhiste de nirvāna. Nietzsche qui tout comme Schopenhauer accordait une grande importance aux arts, se désignait lui-même comme un immoraliste. Pour lui les valeurs de la morale chrétienne traditionnelle étaient l’expression de faiblesse et d’une pensée décadente. Il analysa les idées denihilisme, de surhomme, et de l’éternel retour de la répétition sans fin de l’histoire. Kierkegaard était en bien des points un précurseur de l’existentialisme. Il défendait une philosophie imprégnée de religion et représentant un individualisme radical qui dit comment on doit se comporter en tant qu’individu singulier dans les différentes situations concrètes.

2/ Les deux grandes pensées de la philosophie du xxe   siècle

La philosophie du xxe siècle se caractérise elle aussi par une importante variété de doctrines, dominées globalement par deux grandes familles de pensée : la philosophie analytique et la phénoménologie.

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La philosophie analytique, philosophie dominante de la seconde moitié de ce siècle, qui prend racines en Allemagne avec Frege, en Autriche avec Moritz Schlick et Rudolf Carnap, au Royaume-Uni avec Russell et Whitehead, et en Pologne avec l’École de Lvov-Varsovie (Tarski,KotarbińskiLeśniewskiŁukasiewicz), est majoritaire dans l’ensemble des pays anglophones et dans une grande partie de l’Europe (Autriche, Allemagne, Pologne, Suisse, pays scandinaves, etc.). Elle se caractérise par un usage important de la logique mathématique et plus généralement par une grande attention portée au langage comme source d’illusions et de paralogismes. Elle a abouti à une reprise d’ensemble de nombreux problèmes philosophiques traditionnels tels que la nature de l’esprit et ses rapports au corps (voir philosophie de l’esprit), les problèmes relatifs à la nature de l’action (voir philosophie de l’action), l’essence et la fonction du langage naturel et formel (cf. la philosophie du langage et la philosophie de la logique). Ses représentants les plus importants sont Russell, Frege, Whitehead,Wittgenstein, Tarski, Leśniewski, Łukasiewicz, AjdukiewiczDavidson, Kenny, AustinSearleRyleHintikkaVuillemin37.

L’autre grande tradition philosophique du xxe siècle est la phénoménologie, fondée par Husserl, dont les successeurs sont Heidegger,SartreMerleau-PontyIngardenSteinPatočkaRicœur ou Levinas. Pour Husserl, la phénoménologie est la science des phénomènes, c’est-à-dire la science des « vécus » de la conscience, s’opposant en cela au réalisme naïf (ou « attitude naturelle ») qui prétend faire la science des objets du monde extérieur. Il s’agit d’une science apriorique, ou « eidétique », c’est-à-dire d’une science qui décrit les essences des vécus de la conscience. Elle aura ainsi pour objets, entre autres, la connaissance (Husserl), l’imagination (Sartre), la perception (Merleau-Ponty), l’existence humaine (Heidegger), la volonté (Ricœur).

Le début du xxe siècle marque également le début de la psychanalyse, fondée par Freud, qui apporte une conception nouvelle de l’homme, contredisant la représentation traditionnelle de la conscience humaine : la psychanalyse fournit en effet un modèle théorique du psychisme humain impliquant la domination de l’inconscient sur la conscience, ainsi qu’une méthode d’investigation de ce dernier. Freud dit lui-même de sa discipline qu’elle constitue la troisième blessure narcissique de l’humanité. Même si Freud était un médecin neurologue, et non un philosophe, les conséquences philosophiques de sa doctrine (notamment sur la question de la liberté et de la responsabilité, et sur la place des pulsions et de la sexualité dans les conduites humaines) sont d’une telle ampleur que la plupart des philosophes du xxe siècle se sont intéressés à ses idées, pour les critiquer ou pour s’en inspirer (comme, en France, Alain, Sartre, Deleuze et Derrida).

Dans la seconde partie du xxe siècle se développent, surtout en France, la philosophie poststructuraliste et la déconstruction, qui reposent sur la remise en cause des notions de « sujet » (Foucault), de « sens » (Derrida) ou de « raison » (Deleuze), et leur remplacement par les notions de structure, d’inconscient (Lacan), de différence (Deleuze) ou de dissémination du sens (Derrida). Si l’unité des ces pensées pose problème, les Américains les regardent comme un courant français original auquel ils

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ont donné le nom de French theory, et les regroupent plus globalement dans

la philosophie postmoderne.

La philosophie politique du xxe siècle, quant à elle, se caractérise d’une part par l’intérêt qu’elle porte aux phénomènes totalitaires (VoegelinArendtSchmittAron), et d’autre part par l’examen et la discussion des théories du contrat social développées aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec notamment la théorie de la justice de Rawls (1971), abondamment commentée.

L’idée d’absurde est par ailleurs développée par Albert Camus au travers de plusieurs ouvrages dont un essai philosophique : « Le mythe de Sisyphe » ; cette pensée atypique dans la philosophie pose la question du suicide comme question fondamentale avant toute autre et, en écartant cette éventualité, préconise la révolte comme alternative.

B / La science dans l’explication des phénomènes du monde

1/ Les théories de la connaissance scientifique

L’histoire des sciences et de la philosophie a produit de nombreuses théories quant à la nature et à la portée du phénomène scientifique. Il existe ainsi un ensemble de grands modèles épistémologiques qui prétendent expliquer la spécificité de la science. Le xxe siècle a marqué un tournant radical. Très schématiquement, aux premières réflexions purement philosophiques et souvent normatives sont venus s’ajouter des réflexions plus sociologiques et psychologiques, puis des approches sociologiques et anthropologiques dans les années 1980, puis enfin des approches fondamentalement hétérogènes à partir des années 1990 avec les Science studies. Le discours sera également interrogé par la psychologie avec le courant du constructivisme. Enfin, l’épistémologie s’intéresse à la « science en action »(expression de Bruno Latour), c’est-à-dire à sa mise en œuvre au quotidien et plus seulement à la nature des questions théoriques qu’elle produit.

a/ Le rationalismes

Le rationalisme est un courant épistémologique né au xviie siècle et pour lequel « toute connaissance valide provient soit exclusivement, soit essentiellement de l’usage de la raison ». Des auteurs comme René Descartes (on parle alors du cartésianisme), ou Leibniz fondent les bases conceptuelles de ce mouvement qui met en avant le raisonnement en général et plus particulièrement le raisonnement déductif dit aussi analytique. Il s’agit donc d’une théorie de la connaissance qui postule le primat de l’intellect. L’expérimentation y a un statut particulier : elle ne sert qu’à valider ou réfuter les hypothèses. En d’autres mots, la raison seule suffit pour départager le vrai du faux dans le raisonnement rationaliste. Les rationalistes prennent ainsi comme exemple le célèbre passage du dialogue de Platon, dans le Ménon, où Socrate prouve qu’un jeune esclave illettré, étape par étape et sans son aide, peut refaire et redémontrer le théorème de Pythagore.

Le rationalisme, surtout moderne, prône la toute puissance des mathématiques sur les

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autres sciences. Les mathématiques représentent en effet le moyen intellectuel démontrant que l’intellect et la raison peuvent se passer de l’observation et de l’expérience. Déjà Galilée expliquait dans son ouvrage L’essayeur qui est également une démonstration de logique en 1623, que « Le grand livre de l’Univers est écrit dans le langage des mathématiques. On ne peut comprendre ce livre que si on en apprend tout d’abord le langage, et l’alphabet dans lequel il est rédigé. Les caractères en sont les triangles et les cercles, ainsi que les autres figures géométriques sans lesquelles il est humainement impossible d’en déchiffrer le moindre mot ».

b/ L’empirisme

L’empirisme postule que toute connaissance provient essentiellement de l’expérience. Représenté par les philosophes anglais Roger BaconJohn Locke et George Berkeley, ce courant postule que la connaissance se fonde sur l’accumulation d’observations et de faits mesurables, dont on peut extraire des lois par un raisonnement inductif (dit aussi synthétique), allant par conséquent du concret à l’abstrait. L’induction consiste, selon Humeen la généralisation de données de l’expérience pure, appelée « empirie » (ensemble des données de l’expérience), qui est ainsi l’objet sur lequel porte la méthode. Néanmoins, Bertrand Russell mentionne dans son ouvrage Science et religion ce qu’il nomme le« scandale de l’induction », cette méthode de raisonnement n’a rien d’universel, en effet, selon lui les lois admises comme générales par l’induction n’ont été cependant vérifiées que pour un certain nombre de cas expérimentaux. Dans l’empirisme, le raisonnement est secondaire alors que l’observation est première. Les travaux d’Isaac Newton témoignent d’une méthode empirique dans la formalisation de la loi gravitationnelle.

L’empirisme se décompose lui-même en sous-courants :

  • le matérialisme qui explique que seule l’expérience sensible existe ;
  • le sensualisme qui considère que les connaissances proviennent des sensations (c’est la position de Condillac par exemple) ;
  • l’instrumentalisme, qui voit dans la théorie un outil abstrait ne reflétant pas la réalité.

Enfin, l’empirisme aurait percé dans le champ scientifique, selon Robert King Merton (dans Éléments de théorie et de méthode sociologique, 1965) grâce à ses liens étroits avec l’éthique protestante et puritaine. Le développement de la Royal Society de Londres, fondée en 1660 par des protestants, en est ainsi l’expression aboutie : « la combinaison de la rationalité et de l’empirisme, si évidente dans l’éthique puritaine, forme l’essence de la science moderne. » explique Merton.

c/ Le positivisme

Auguste Comte distingue trois états historiques : dans l’état théologique, l’esprit de l’homme cherche à expliquer les phénomènes naturels par des agents surnaturels. Dans l’état métaphysique, l’explication se fonde sur des forces naturelles mais encore personnifiées (la théorie de l’éther par exemple). Avec l’état positif, l’esprit ne cherche

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plus à expliquer les phénomènes par leurs causes, mais il s’édifie sur des faits constatables et mesurables. Le personnage de Newton est, pour Comte, révélateur de cette « marche progressive de l’esprit humain ». La science doit ainsi mettre en œuvre des hypothèses, permettant de se passer de l’expérience, et aboutissant à la formation de lois non contradictoires. Comte cite ainsi, comme exemple, la théorie de la chaleur de Joseph Fourier, qui la bâtit sans avoir à observer la nature du phénomène. Le positivisme met en avant la qualité prédictive de la science, qui permet de « voir pour prévoir » selon les mots de Comte, dans ses Discours sur l’ensemble du positivisme (1843). Néanmoins, la méthode scientifique culmine dans la mise en pratique, dans l’action, ce que le discours moderne appellera l’application scientifique. L’ingénierie est ainsi la main de la science, caractérisée par le savoir-faire. La science est avec Comte indissociable de l’action : « Science, d’où prévoyance ; prévoyance d’où action ».

d/ Critique de l’induction de Mach

Inventeur de la mesure de la vitesse de propagation du son, Ernest Mach développa une pensée épistémologique qui influença notamment Albert Einstein. Dans La Mécanique, exposé historique et critique de son développementMach dévoile la conception mythologique qui sous entend les représentations mécanistes de son époque, qui aboutissent au conflit des spiritualistes et des matérialistes. Mais la critique de Mach porte surtout sur la méthode de l’induction, pendant de la déduction. Dans La Connaissance et l’erreur (1905), Mach explique que le travail du savant porte avant tout sur les relations des objets étudiés entre eux, et non sur leur classement. La démarche de recherche est avant tout mentale conclut Mach : « Avant de comprendre la nature, il faut l’appréhender dans l’imagination, pour donner aux concepts un contenu intuitif vivant ». Par ailleurs, Mach défend l’idée que la science est symbolique, thèse qu’il reprend chez Karl Pearson dans la Grammaire de la science (1892) et qui explique que la science est « une sténographie conceptuelle ». Mach annonce que seule la méthode empirique est scientifique :

« Nous devons limiter notre science physique à l’expression des faits observables, sans construire d’hypothèses derrière ces faits, où plus rien n’existe qui puisse être conçu ou prouvé»

e/ Réfutabilité de Karl Popper et les «programmes de recherche scientifique » de Irme Lakatos

Le philosophe autrichien Karl Popper (1902 – 1994) bouleverse l’épistémologie classique en proposant une nouvelle théorie de la connaissance, dès 1959 avec la Logique de la découverte scientifique. Il donne à l’épistémologie de nouveaux concepts et outils d’examen, comme la falsifiabilité (capacité d’une théorie scientifique de se soumettre à une méthode critique sévère) ou l’infaillibilité (qui définit a contrario les théories métaphysiques, psychanalytiques, marxistes, astrologiques). Il propose ainsi de voir dans la réfutabilité le critère permettant de distinguer la science de la non-science. Un énoncé est ainsi « empiriquement informatif, si et seulement s’il est

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testable ou falsifiable, c’est-à-dire s’il est possible, au moins en principe, que certains faits puissent le contredire ». Néanmoins, Popper admet que les énoncés non réfutables peuvent être heuristiques et avoir un sens (c’est le cas des sciences humaines).

Popper émet par ailleurs une critique de la thèse de l’unicité de la science, notamment dans son ouvrage La logique de la découverte scientifique. L’idée d’un système de connaissance est futile selon lui : « nous ne savons pas, nous ne faisons que conjecturer. » L’idéal d’une connaissance absolument certaine et démontrable s’est révélé être une idole. Selon lui enfin, l’induction n’a aucune valeur scientifique :

« Il n’y a pas d’induction parce que les théories universelles ne sont pas déductibles d’énoncés singuliers.»

La pensée d’Imre Lakatos (1922 – 1974) est en droite file de celle de Popper. Il est le créateur de la notion de « programmes de recherche scientifique » (P.R.S) qui est un corpus d’hypothèses théoriques lié à un plan de recherche au sein d’un domaine particulier (un« paradigme ») comme la métaphysique cartésienne par exemple. Lakatos, bien qu’étant l’élève de Karl Popper s’en oppose sur le point de la réfutabilité. Un programme de recherche est selon lui caractérisé à la fois par une heuristique positive (ce qu’il faut chercher et à l’aide de quelle méthode) et une heuristique négative (les hypothèses sont inviolables).

f/ « Science normale » de Thomas Kuhn

Les travaux de Thomas Samuel Kuhn vont marquer une rupture fondamentale en philosophie, en histoire et en sociologie des sciences. Il va historiciser la science, et rejeter une conception fixiste de la science. Son ouvrage principal en la matière, laStructure des Révolutions Scientifiques (1962) pose qu’« il est ainsi difficile de considérer le développement scientifique comme un processus d’accumulation, car il est difficile d’isoler les découvertes et les inventions individuelles ».

« Lorsque les scientifiques ne peuvent plus ignorer plus longtemps des anomalies qui renversent la situation établie dans la pratique scientifique, alors commencent les investigations extraordinaires qui les conduisent finalement à un nouvel ensemble de convictions, sur une nouvelle base pour la pratique de la science » ajoute-t-il, qualifiant ces bases pratiques de paradigmes scientifiques (comme la lumière considérée comme un corpuscule, puis comme une onde, puis enfin comme une particule). Ces « épisodes extraordinaires »sont comme des « révolutions scientifiques » (ainsi celles apportées par Isaac NewtonNicolas CopernicLavoisier, ou encore Einstein) : toutes viennent renverser un paradigme dominant. L’état d’une science, des connaissances et du paradigme, à une période donnée constitue la « science normale » qui est selon Kuhn

« une recherche fermement accréditée par une ou plusieurs découvertes scientifiques passées, découvertes que tel ou tel groupe scientifique [a considérées] comme suffisantes pour devenir le point de départ d’autres travaux. »

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g/ Le constructivisme

Le terme constructivisme est né au début du xxe siècle avec le mathématicien hollandais Brouwer qui l’utilisa pour caractériser sa position sur la question des fondements en mathématiques comme discipline maîtresse. Mais c’est surtout Jean Piaget qui a su apporter au constructivisme ses lettres de noblesse : avec la publication en 1967 de l’encyclopédie de la Pléiade et notamment de l’article Logique et connaissance scientifique, il opère selon Jean-Louis Le Moigne une « renaissance du constructivisme épistémologique, notamment à partir des travaux de Bachelard ». Toutefois, selon Ian Hacking, c’est Kant qui fut le « grand pionnier de la construction ».

L’école constructiviste n’accepte comme vrai que ce que le scientifique peut construire, à partir d’idées et d’hypothèses que l’intuition (comme fondement des mathématiques) accepte comme vraies, et qui sont représentables. Le psychologue et épistémologue Jean Piaget expliquera ainsi que le « fait est (…) toujours le produit de la composition, entre une part fournie par les objets, et une autre construite par le sujet ». L’expérimentation ne sert alors qu’à vérifier la cohérence interne de la construction (c’est la notion de modèle épistémologique). Piaget étendra cependant le cadre constructiviste à ce qu’il nomme l’« épistémologie génétique » qui étudie les conditions de la connaissance et les lois de son accroissement, en lien avec le développement neurologique de l’intelligence. Pour lui, l’épistémologie englobe la théorie de la connaissance et la philosophe des sciences (ce qu’il nomme le « cercle des sciences » : chaque science renforce l’édifice des autres sciences). Autrement dit, « la succession des sciences dans l’histoire obéit à la même logique que l’ontogénèse des connaissances ». Sans parler de ressemblance totale, les mécanismes, de l’individu au groupe de chercheurs et donc, aux disciplines scientifiques, sont communs (Piaget cite ainsi l’« abstraction réfléchissante »).

Refusant l’empirisme, l’épistémologie constructiviste pose que la connaissance se fait au moyen d’une dialectique, du sujet à l’objet et de l’objet au sujet, par un aller-et-retour expérimental.

2 / La science au cœur du développement : le progrès

Le terme de progrès vient du latin « progressus » qui signifie l’action d’avancer. Selon cette étymologie le progrès désigne un passage à un degré supérieur, c’est-à-dire à un état meilleur, participant à l’effort économique. La civilisation se fonde ainsi, dans son développement, sur une série de progrès dont le progrès scientifique. La science serait avant tout un moyen de faire le bonheur de l’humanité, en étant le moteur du progrès matériel et moral. Cette identification de la science au progrès est très ancienne et remonte aux fondements philosophiques de la science. Cette thèse est distincte de celle de la science dite pure (en elle-même), et pose le problème de l’autonomie de la science, en particulier dans son rapport au pouvoir politique. Les questions éthiques également limitent cette définition de la science comme un progrès. Certaines découvertes scientifiques ont des applications militaires ou même peuvent être létales

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en dépit d’un usage premier bénéfique. L’utilisation militaire de la technologie nucléaire a posé un dilemme entre Albert Einstein et Robert Oppenheimer. Selon les tenants de la science comme moyen d’amélioration de la société, dont Ernest Renan ou Auguste Comte sont parmi les plus représentatifs, le progrès offre :

  • une explication du fonctionnement du monde : il est donc vu comme un pouvoir explicatif réel et illimité ;
  • des applications technologiques toujours plus utiles permettant de transformer l’environnement afin de rendre la vie plus facile.

La thèse de la science pure pose, quant à elle, que la science est avant tout le propre de l’humain, ce qui fait de l’homme un animal différent des autres. Dans une lettre du 2 juillet 1830 adressée à Legendre, le mathématicien Charles Gustave Jacob Jacobi écrit ainsi, à propos du physicien Joseph Fourier : « M. Fourier avait l’opinion que le but principal des mathématiques était l’utilité publique et l’explication des phénomènes naturels ; mais un philosophe comme lui aurait dû savoir que le but unique de la science, c’est l’honneur de l’esprit humain, et que sous ce titre, une question de nombres vaut autant qu’une question du système du monde. ». D’autres courants de pensée comme le scientisme envisagent le progrès sous un angle plus utilitariste.

Enfin des courants plus radicaux posent que la science et la technique permettront de dépasser la condition ontologique et biologique de l’homme. Le transhumanisme ou l’ex tropisme sont par exemple des courants de pensée stipulant que le but de l’humanité est de dépasser les injustices biologiques (comme les maladies génétiques, grâce au génie génétique) et sociales (par le rationalisme), et que la science est le seul moyen à sa portée. À l’opposé, les courants technophobes refusent l’idée d’une science salvatrice, et pointent au contraire les inégalités sociales et écologiques, entre autres, que la science génère.

CONCLUSION

A la fin de notre travail nous constatons que la philosophie et la science se séparent en certains points quand il s’agit d’une certaine précision et expérience des choses réclamée par la science. En réalité les deux n’ont qu’un seul objectif : celui de comprendre et d’expliquer les phénomènes du monde. Aujourd’hui avec le développement de la science et de la technique les pouvoirs de l’homme sembles illimités, dans ce cas il revient ainsi à la philosophie de penser sur les fins qui doivent gouverner ces moyens.

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